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REVUE DE PRESSE N°1

Dernière mise à jour : 4 déc. 2020


APPORT À LA COMMUNAUTÉ ET DROIT À RÉCOMPENSE (CIV1, COUR DE CASSATION, 3 octobre 2019, n°18-20.430)

Dans cet arrêt, Monsieur avait apporté, à l’occasion de son contrat de mariage, un immeuble à la communauté. Au moment du divorce, il prétend que l’apport effectué doit générer une récompense à son profit. Toutefois, la Cour de cassation ne voit pas les choses de cette manière et affirme que : « l’apport était stipulé au contrat de mariage, de sorte qu’aucun mouvement de valeur entre la masse propre de l’époux et la masse commune ne s’était réaliséau cours de l’application du régime matrimonial ». Dès lors, l’apport à la communauté n’a pas généré de droit à récompense, justement parce qu’il a été stipulé au contrat de mariage. La Haute juridiction avait rendu une solution semblable au terme toutefois d’une décision de rejet dont l’absence de publication ne lui avait pas conféré la portée de la présente décision (Civ.1 19 septembre 2007, n°06-20.132). La décision commentée fut rendue au visa de l’article.1433.Al. 1er en vertu duquel : « La communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres. ».


On comprend alors le raisonnement des juges ; dès lors qu’il n’y a pas de mouvement de valeur entre la masse propre de l’époux et la masse commune, il ne peut y avoir enrichissement de la communauté. Or le profit est un véritable marqueur des récompenses pour la Cour de cassation. Pourtant, nombre d’hypothèses illustrent des cas où une récompense se crée sans profit ; donation à un enfant commun, assurance-vie au profit d’un tiers, paiement de dettes délictuelles, négligence à percevoir les fruits d’un bien propre... La doctrine majoritaire fait ainsi savoir que c’est : « le seul appauvrissement et l’absence de toute finalité conjugale qui justifient le droit à récompense, sans qu’aucun enrichissement du patrimoine ne soit exigé ». Ce pourquoi la Cour de cassation se justifie au-delà de l’article 1433 en observant qu’aucun mouvement de valeur entre la masse propre et la masse commune ne s’est réalisé, ni appauvrissement ni profit. Et pour cause, il n’y avait à cet instant ni masse propre ni masse commune dans la mesure où l’apport a été stipulé au contrat de mariage, donc avant le mariage. Or la répartition des biens entre différentes masses ne s’opère qu’au mariage. Sans masse propre ni commune, la théorie des récompenses perd sa raison d’être puisqu’il s’agit précisément d’un mécanisme de rééquilibrage des différentes masses du régime légal. Par essence, l’apport stipulé au contrat de mariage ne peut donc générer un droit à récompense. La question de savoir si l’apport à la communauté peut générer une récompense peut toutefois se poser ;cette solution de la Cour de cassation tolère-t-elle des dérogations conventionnelles ? L’intérêt pratique de cette question est tout sauf anodin puisque l’apport moyennant récompense offre une spécificité tenant à la personne débitrice de la récompense. En effet, ce type d’apport permet de faire passer l’apporteur de débiteur d’une récompense à créancier d’une autre récompense. Si l’on prend l’exemple de l’apport d’un terrain à bâtir sur lequel la communauté projette de financier les constructions, sans apport, une éventuelle liquidation de communauté amènerait l’époux propriétaire à indemniser la communauté de la valeur de l’amélioration. Une clause de reprise des apports amènerait au même résultat (Civ.1 16 juin 1992, n°91-10.321). Avec un apport moyennant récompense, le même époux serait créancier d’une récompense dont le montant se résume à la valeur du terrain appréciée au jour de la liquidation.

Mais pareil apport est-il encore réalisable ? Pourquoi pas ? En effet, la quasi-totalité de la doctrine affirme que la théorie des récompenses n’est pas d’ordre public. Des stipulations dérogeant aux règles légales peuvent être prévues a priori par contrat de mariage, a posteriori au moment de la liquidation voire pendant le mariage en cas de changement de régime matrimonial. Cette unanimité de la doctrine fait suite à l’arrêt de la première chambre civile du 28 juin 1983 considérant que les règles de calcul des récompenses ne sont pas d’ordre public. Cependant, cet arrêt concernait les modalités de calcul des récompenses, or l’on se pose ici la question del’existence des récompenses. Si la jurisprudence ne semble pas limiter la liberté contractuelle aux seuls cas de calcul (validation de la donation d’une récompense, Civ.1 6 février 2007, n°04-13.282 / validation du renoncement à une récompense), peut-on toutefois créer avant mariage une récompense de toutes pièces ? Si aucun arrêt significatif n’a validé un tel procédé, force est de constater que la pratique va clairement en ce sens.


Il n’en demeure pas moins que l’arrêt commenté jette un doute sur la validité d’un tel procédé. Il semble en effet résulter du raisonnement de la Haute juridiction que non seulement il n’y a pas récompense en l’espèce mais qu’en plus il ne peut pas y en avoir. Cette logique ne parait pas pouvoir être remise en cause par une stipulation contraire...c’est parce que l’apport est réalisé avant la naissance de la communauté qu’il est exclusif de toute récompense.

La solution pourrait alors passer par un raisonnement a contrario ; si la Cour prend soin de limiter sa solution à « l’apport stipulé au contrat de mariage », c’est qu’a contrario, dès lors que l’apport intervient à l’occasion d’un changement de régime matrimonial, le notaire pourrait parfaitement l’assortir d’une récompense. Ce qui est interdit la semaine précédant le mariage serait ainsi autorisé la semaine qui le suit. La prudence dont on doit faire preuve (cf article suivant) nous incite donc à attendre le prochain arrêt de la Haute juridiction avant d’envisager des apports moyennant récompense. Leur régime n’étant pas clarifié, il est conseillé de recourir à des techniques alternatives rendant le propriétaire du terrain débiteur d’une récompense et non créancier, à savoir l’absence d’apport du terrain et la clause de reprise des apports.

 

ZOOM : La responsabilité du conseiller en gestion de patrimoine en cas de vente d’immeuble Des époux avaient constitué une SCI en vue d’effectuer un investissement défiscalisé conseillé par leur CGP.La présentation de l’opération conseillée se concluait ainsi : « vous allez disposer d’une sécurité totale sur votre investissement ». Aucun aléa n’était prévu. Malheureusement, le promoteur du projet a été placé en liquidation judiciaire. La SCI qui avait effectué certaines avances a alors assigné le CGP pour défaut de conseil et de mise en garde.La Cour de Cassation accueille cette action en considérant que l’opération présentait nécessairement un aléa en ce qu’elle nécessitait la réhabilitation totale d’un immeuble. Au demeurant, le CGP n’a pas attiré l’attention de ses clients sur les risques inhérents à l’opération même s’il : « n’avait pas de raison de douter de la fiabilité de l’entreprise de promotion avant sa mise en procédure collective ». Il faut ainsi retenir que les CGP sont toujours tenus à un devoir de mise en garde puisque toute opération de défiscalisation comprend nécessairement un aléa.

 

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